Bête du gévaudan

1908


Bête du Gévaudan

Le mythe de la Bête du Gévaudan :

Une Bête mystérieuse et sanglante :

L’ histoire se déroule dans la seconde moitié du XVIIIe siècle dans la région du Gévaudan. C’est une histoire véridique quia vraiment secouée la France jusqu’à sa cour du Roi de l’époque. Bien qu’assimilé à un loup, la science continue de s’interroger sur cette bête mythique.

L’histoire :

Pendant le péridode du 30 juin 1764 au 19 juin 1767, plus de cent attaques meurtières ensanglantèrent le Gévaudan (actuel Lozère), l’Auvergne, le Rouergue et le Vivarais. Chaque mois, de nouvelles victimes s’ajoutaient à la liste , principalement des femmes, des jeunes filles et des enfants des deux sexes.

Les témoignages et les récits des survivants désignaient un loup de grande taille. Mais l’état des corps et les blessures suggéraient une bête bien plus particulière et sanglante. Suite à l’échec des autoritées locales et de ses habitants, M. Duhamel, capitaine-major de Clermont, reçoit du Gouverneur militaire du Languedoc, M. de Montcan, l’ordre de donner la chasse au monstre. Des loups sont tués mais le carnage continue. Malgré la volonté de Duhamel et de ses hommes, l’expédition punitive est un désastre, le bête s’en prend de plus en plus aux hommes.

Par cet échec ,Duhamel est remplacé par les Denneval père et fils, célèbres louvetiers, puis par Antoine de Beauterne, porte-arquebuse du roi, accompagné de quatorze garde-chasse et de quatre chiens de la louveterie royale.

Le 21 septembre, dans le bois des Dames de l’abbaye royale des Chazes, en Auvergne, Beauterne abat un grand loup. Disséqué puis embaumé, il sera présenté à la Cour comme la bête du Gévaudan. Le 4 octobre, un autre loup est chassé, le 14, une louve est abattue, les 15 et 17, deux louveteaux sont mis à mort. Les attaques cessent et le pays se croit délivré…

Jusqu’en décembre 1765, où deux femmes sont attaquées, un enfant blessé et une fillette tuée. Mais, officiellement, la bête est morte et la Cour refuse d’écouter les nouvelles doléances. Alors on s’organise localement ; appâts empoisonnés et battues alternent avec les pèlerinages, tandis que la liste des victimes s’allonge : six morts en 1766, dix-huit au cours des six premiers mois de 1767. Le 19 juin, Jean Chastel, « un enfant du pays », tue une bête « qui parut être un loup, mais un loup extraordinaire et bien différent par sa figure et ses proportions des loups que l’on voit dans ce pays » (extrait d’une lettre de monsieur de Ballainvilliers, intendant d’Auvergne) ; une louve est abattue le 27 juin, et l’affaire de la bête est dès lors jugée terminée.

En réalité, c’est la récurrence des crimes qui amena à penser à l’existence d’une entité unique. De fait, l’affaire de la bête du Gévaudan ne commence pas le 1er juillet 1764 avec la sépulture de la première victime officiellement recensée – Jeanne Boulet, 14 ans. La seconde victime, en août, réactive l’inquiétude qui s’installe, dès les 31 août et 1er septembre 1764, avec les deux victimes suivantes, elles aussi âgées de 14 ans. Des observations antérieures resurgissent alors de la mémoire des témoins. Jeunes vachers ou bergères du Gévaudan et du Vivarais relatent comment, l’été 1764, un gros chien s’est élancé sur eux ; vaches et boeufs, chiens ou cochons les ayant défendus, l’animal prit la fuite. Ces incidents firent peu de bruit jusqu’à ce que les crimes laissent émerger une impression de récurrence : jeunesse des victimes, en général de sexe féminin, typologie des mutilations et des blessures (décapitation, scalp, morsures de la face ou du crâne), présence d’un animal sur les lieux du drame, consommation des restes. Quel que soit ce ou celui, au singulier ou au pluriel, qui se dis- simule sous ce nom, la bête devint une réalité tangible, construite à l’aune des observations et des battues et à même de fournir une interprétation à une série d’événements perçus comme anormaux. Mais toutes les victimes sont-elles imputables à une même cause ou faut-il y voir un effet d’entraînement tendant à attribuer à un même être, dans un espace géographique qui se détermine peu à peu comme le « rayon d’action » de la bête, toute mortalité, y compris celle qui, dans un autre contexte, recevrait une explication différente ? Peu importe, car au regard de cette affaire, le sens que la bête généra à l’époque fut plus révélateur que toute autre interprétation, y compris celle du loup mangeur d’homme.

Malgré la conviction de diverses autorités morales, les populations locales n’ont jamais pleinement adhéré à cette solution. Toutes les théories échafaudées depuis et remettant en question la culpabilité des loups reposent sur la réflexion suivante : comment imaginer que les populations n’aient pas reconnu une espèce aussi commune que le loup, avec qui elles cohabitaient ? En fait, au cours des premiers mois, la culpabilité des loups n’est pas vraiment remise en cause. Ce n’est qu’au regard de la multiplication des victimes et des observations qu’émerge progressivement une interprétation différente. Comme si plus le temps passait, plus les informations se multipliaient et moins les populations locales souscrivaient à la solution du loup. Ainsi, même si le loup était conceptuellement disponible, ces populations ont eu besoin d’utiliser l’imprécision fondatrice de la bête. Sans doute parce que les observations jugées pertinentes au regard des événements dramatiques n’entraient plus dans la grille d’interprétation des faits traditionnellement attribués au loup. Un loup « normal » a, dans l’ordre de la nature, peur de l’homme. Un loup au comportement habituel, mais particulièrement grand, sera considéré comme un « loup étranger » en provenance des vastes plaines de l’Est ; si un loup présente une agressivité anormale, se traduisant par des déplacements effrénés accompagnés d’attaques, c’est qu’il est enragé. Cette possibilité fut évoquée dans l’affaire de la bête du Gévaudan mais les blessés ne développaient pas la rage, comme le souligne un correspondant de Duhamel (rapporté par Pourchet, 1764) : « Ses blessures n’ont point eu de mauvaises suites. » S’il y a consommation des corps, le loup est déclaré « mangeur d’homme ». Cette catégorie repose sur le postulat fondateur que le loup aime la chair humaine et la consomme quand « le besoin est extrême » (Buffon, Histoire naturelle, générale et particulière, 1761). Ce postulat justifiait, et légitime encore chez la majorité des gens, l’idée que le loup représente (sous certaines conditions – la nuit, en hiver…) un danger pour l’homme et modifierait les normes régissant les relations « naturelles » homme/ animal. Le loup mangeur d’homme est fondamentalement considéré comme « normal », mais exerçant ses activités de prédation hors de la gamme des proies admissibles ; il est lié à une situation de déséquilibre, soit naturel (surabondance de loups, absence de proies), soit so- cial (guerre, famine, désordre). Dès lors que le fait divers trouve son ressort dramatique dans la mise en série d’événements, le loup mangeur d’homme ne semble plus assez signifiant et se dissout dans l’indétermination de la bête. Les données d’observation qui deviendront des caractéristiques de la bête s’organisent à partir d’une référence à un loup exagéré : la bête est toujours « plus », plus rusée, plus puissante. Ainsi émerge une dimension supplémentaire dont la dénomination paradoxale, la bête, érige l’imprécision en désignation. Comme si l’animal ne pouvait sortir de l’anonymat du spécimen biologique qu’en perdant son identification spécifique, ce processus d’individuation s’accomplissant dans le cadre d’une exacerbation de la sauvagerie.

Un ensemble de faits facilita, à l’époque, le passage du loup mangeur d’homme à la bête dévorante et, réciproquement, de la bête à un surloup : le 25 novembre 1764, Montcan écrit : « On lui a même tiré quatre coups de fusil à dix pas de distance sans avoir pu l’arrêter. » Au bout de quelques mois de traque, cette mention devient récurrente et la bête, indestructible, ainsi qu’en témoigne des représentations populaires de cette époque.

Le loup modélise toujours notre peur d’une nature extérieure à l’ordre social que nous voudrions imposer et qui s’impose aussi à nous par une sauvagerie que l’on rejette. Ce qui change, c’est la façon dont chaque époque valide et connote, positivement ou négativement, les parti pris fondateurs de ce qui représente la nature. Le mythe du loup mangeur d’homme ou de bétail reste une réalité essentielle qui continue d’organiser les représentations moins de cette espèce que des espaces contaminés par sa présence. Quand les éleveurs manifestent contre le loup à Nice ou à Grenoble, ils ne demandent pas plus de protection. Ils clament que le retour du loup met en danger l’intérêt national. Accepter le loup, c’est, selon les éleveurs, détruire l’identité de la montagne car en faisant disparaître les éleveurs – et donc la vie rurale -, c’est le tissu nourricier d’une partie du territoire français qui serait en jeu. Le loup incarne, encore et toujours, une angoisse liée à l’environnement sauvage ; dans ce dernier cas, celle d’un pays sans paysan.

A quoi ressemblait-il?

Comment figurer le monstrueux ? C’est le questionnement qui semble à l’oeuvre dans la constitution progressive de la figure de la bête du Gévaudan. De fait, le loup évoqué dans les premières descriptions disparaît au profit d’autres référents zoologiques. Par ses comportements et la récurrence des crimes, la bête ne correspond plus au loup : « La gueule semblable à celle du lion, mais bien plus grande (…), elle a deux (dents) en forme de défense, comme les sangliers (…) ; sa queue est semblable à celle du léopard (…), son corps est de la longueur de celui d’un veau de 1 an (…). » La littérature de colportage n’est pas la seule à opérer semblables constructions. Duhamel, qui vit l’animal, le décrit ainsi : « De la taille d’un taureau de 1 an, il a les pattes aussi fortes que celles d’un ours (…), le poitrail aussi long que celui d’un léopard, (…), les yeux d’un veau et étincelants, les oreilles courtes et droites comme celles d’un loup (…). Je crois que vous penserez, comme moi, que cet animal est un monstre dont le père est un lion. » Ainsi composée de multiples référents, la bête véhicule plus de sens qu’une espèce unique, comme si, appliquant la règle selon laquelle le tout est supérieur à la somme des parties, elle devenait porteuse de chacune des propriétés des espèces qui la constituaient.

Une réalité ou non ?

Les preuves alléguées en faveur de l’existence de la bête du Gévaudan ont été fort nombreuses au cours des trois années que dura cette affaire : tout d’abord, il y a les ré- cits faits par les habitants, dont les témoignages ont été recueillis entre le 30 juin 1764 (date du décès de la première victime officiellement recensée, Jeanne Boulet, une jeune fille âgée de 14 ans) et le 19 juin 1767 (où le cabaretier Jean Chastel tua un « animal » aux confins du Vivarais). Puis les cent cinquante-sept victimes (tuées, blessées ou attaquées), qui présentaient souvent des blessures caractéristiques, que l’on a « tout naturellement » attribuées à une bête hors du commun (décapitation, scalp, morsures au crâne ou la face…). En décembre 1765, Louis XV envoya sur place son meilleur fusil, Antoine de Beauterne, afin d’en finir définitivement avec la bête ; lui aussi tua « un animal étrange ». Parmi les indices figurent également les empreintes observées par de nombreux témoins et dont un exemplaire – qui mesurait pas moins de 16 centimètres -, relevé par le curé de la commune de Lorcières, fut envoyé le 18 février 1766 à monsieur de Ballainvilliers, intendant d’Auvergne. Mais des indices d’un autre type ont aussi été pris en considération afin d’étayer l’existence réelle de la bête et d’attester l’erreur des partisans de la théorie du loup mangeur d’homme – notamment son invulnérabilité, son ubiquité et son « arrogance ». Bien que non tangibles et irrecevables au regard de la science, ces indices étaient autant de signes qui « prouvaient » la présence du surnaturel à l’oeuvre

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