Ce qu’on oublie et ce qu’on retient

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Ce qu’on oublie et ce qu’on retient

Les rêves ne se retiennent pas facilement, malgré leur grande vivacité ou leur frappante originalité ; ils s’oublient vite. Cette formation fugace de l’âme est vouée à la ruine. Elle retourne dans les profondeurs de l’inconscient qui est son origine et son foyer. Combien de rêveurs font un voyage rempli d’événements intéressants et voudraient le continuer alors qu’ils sont déjà à moitié éveillés ; ils se tiennent tout penauds, constamment dans la crainte que le rêve pourrait s’arrêter là. Mais chacun sait qu’il n’est pas possible de duper l’inconscient ; cette expérience ne réussit que lorsque Fin-conscient lui-même juge opportun de poursuivre le rêve. Mais le plus souvent, hostile au rêve, l’inexorable matin est là.

Le jeune Gottfried Relier, ayant établi un petit journal dans lequel il notait ses rêves au fur et à mesure qu’ils se produisaient, écrivit un jour : « Je me perdis dans des rêves merveilleux et je suis si fâché de les avoir oubliés ; je crois qu’il s’agissait de cette jeune fille de Winterthur, car je suis sans cesse poussé par le désir de retrouver ces rêves, mais en vain. Il faudrait pouvoir se faire des repères quand on a des rêves intéressants. » ‘

Les rêves, on les oublie en s’habillant, sinon à coup sûr dans la matinée ; avec une exception cependant dont il sera parlé plus loin. Mais il peut,arriver ? chez soi en faisant le ménage, pendant une conversation, dans l’autobus, voire même dans le vacarme des machines à écrire que le rêve fasse soudain son apparition. On dit alors à sa collègue :
« Tiens, voilà le rêve de cette nuit qui me revient », et la pauvre collègue de se voir obligée d’écouter le récit du rêve. Il se peut que seule une bribe du rêve soit sauvée de l’oubli ; et il sera souvent possible de faire apparaître le reste en suivant ce petit fil.

Celui qui veut se rappeler son rêve pour des raisons qu’il nous reste à expliquer fera bien au réveil de retenir quelques mots-clé, comme par exemple la maison de mon oncle, le marché, la carte postale, le théâtre, une bicyclette devant la maison, les petits chats, la pluie, l’annonce de journal, une lettre jaune, etc…

Si pour les besoins de l’analyste, ou suivant son propre désir ? ce dernier cas devra souvent être celui de personnes d’un certain âge ? ce rappel sera devenu nécessaire, il convient de préparer du papier et un crayon. Mais on se gardera d’aller à la poursuite des rêves et de se réveiller à chaque instant pour ne pas perdre l’occasion de présenter un exemplaire intéressant ; une telle façon de procéder ne pourrait être que nuisible à un état psychique déjà déficient.

Une fois le rêve ainsi patiemment reconstitué, nous pressentons déjà que certains détails, certaines subtilités nous ont échappé. Il est un fait que le rêve ne fait pas bon ménage avec l’état de veille. Il est vrai aussi que nous pouvons acquérir une certaine habitude pour mieux retenir ce que nous rêvons. Néanmoins, le rêve, rédigé dans ses grandes lignes et lu quelques jours après n’a souvent plus le même sens ; nous n’y trouvons plus que des mots et des phrases au lieu d’un tout cohérent et compréhensible.